See the sky, it's burning red, close my eyes, I'll light that house on fire, walk away.Personne -pas même sa fiancée- ne sait que Donald Menken n'est pas son vrai nom. En réalité, il s'appelle Richard Whitman. Dick -comme on l'a surnommé à l'époque- n’a jamais connu sa mère. Elle est morte en accouchant. D’ailleurs, il ne sait même pas son nom. Tout ce qu’il sait, c’est qu’elle était prostituée. Archibald Whitman, le père de Dick, lui rabachait sans cesse, sous l’emprise de l’alcool, qu’il était bien content que la demoiselle fut morte, pour ne pas avoir à l’entretenir pour l’erreur qu’il était. Pire encore, lorsqu’il était bien amoché par la boisson, scandait à qui voulait bien l’entendre qu’il était certain de ne pas être le père. Vous l’aurez compris, Archibald buvait trop, était méchant, et battait sa progéniture à coup de ceinturon. Un jour, il se maria avec une grosse dame laide, Abigail, fille d’un pêcheur de l’île de Guernesey où ils habitaient. Il lui fit des jumeaux insupportables qui ont mené la vie dure au petit Dick qui n’avait rien demandé. Toute la petite famille vivait dans une ferme avec vaches, chevaux et champs à perte de vue. Sans être riches, les Whitman n’étaient pas pauvres non plus.
Un jour de 1940, Archibald était d’une humeur de chien. Dick n’avait jamais vu son père comme ça. Le petit avait alors décidé de partir loin avec son cheval, préférant éviter les coups qu'il avait l'habitude de lui porter lorsqu'il était saoul. Après un long voyage sur le dos de son fidèle compagnon, l'enfant revint à la ferme espérant éviter son père. Manque de chance, ce dernier l'attendait, son ceinturon à la main.
« Où étais-tu, espèce de vaurien? »
Dick ne répondit rien, passant à côté de lui sans rien dire, après avoir brossé son cheval. Archibald l'attrapa par le col, l'attira dans un box qu'il croyait vide de l'écurie, et le jeta sans ménagement à terre. Dick vit le ceinturon briller à la lumière de la lune, et dans un éclair, s'abattre sur lui alors qu'il se retournait pour éviter de prendre le coup sur le visage. Le premier coup était certainement le plus dur à prendre. Les suivants furent douloureux, mais peu à peu, ses nerfs s'habituaient. Il sentait le métal froid s'enfoncer de plus en plus dans la peau de son dos, jusqu'à ce qu'il sente quelque chose de liquide couler. Il saignait. Il n'entendait plus rien, pas même les cris incompréhensibles de son père. Il avait mis les mains sur ses oreilles pour ne pas l'entendre. Puis les coups s'arrêtèrent. Il resta un très long moment sans bouger. Lorsque la douleur s'estompa un peu au point de pouvoir se lever, il jeta un oeil autour de lui. Son père gisait dans le foin, une marque ronde, étrange qui lui défigurait le visage. Une autre marque similaire était dessinée sur sa poitrine. Lorsqu'il entendit un cheval trépigner au fond du box, il comprit qu'Archibald s'était pris les coups de sabots d'un cheval plutôt irrité d'avoir été dérangé dans son sommeil.
Plus tard, lorsque la mort du vieil homme fut découverte, la belle-mère de Dick le rendit responsable. Elle l’accusa d’avoir irrité son père, et que, quoi qu’il ait fait ou dit, le petit avait mérité ce qu’elle qualifiait d’une petite claque. Elle était d’ailleurs persuadée que sa blessure dans le dos était également l’oeuvre du canasson. C’est alors que les Allemands débarquèrent sur l’île. Parfois, Dick/Don croit les voir en cauchemars alors qu’il n’a jamais vu l’ombre d’une croix gammée étant enfant. De nombreux enfants juifs furent envoyés en Angleterre, chez de proches parents pour échapper aux Nazis et leurs camps de concentration. Mrs Whitman, plutôt que d’avoir la mort de son beau-fils sur la conscience, préféra le joindre au bateau en partance pour la grande île. Elle l’inscrivit dans une pension Londonnienne en l’échange de quoi il ne remettrait jamais les pieds à Guernesey.

It's getting harder, just keeping life and soul together. I'm sick of fighting, even though I know I should1950. Don, ou plutôt Dick, venait d’obtenir son diplôme de fin de secondaire. La première chose qu’il fit, fut d’acheter une bague avec l’argent qu’il avait en sa possession. La bague n’était pas exceptionnelle en elle-même, mais elle plairait sûrement à Anna. Anna Tierney, sa petite amie de l’époque. Elle était superbe. Sa cascade de boucles rousses suffisait à réveiller le désir de Dick. Ils étaient amoureux et il était persuadé qu’il finirait leurs jours ensemble. Après un dîner romantique, une promenade le long de la Tamise, Dick s’agenouilla et lui présenta le bijou. “Tu veux rire Don? Tu crois vraiment que je vais t’épouser? Allez relève-toi.” Ce rire fielleux lui brisa le coeur. “On t’a jamais dit? Les petites filles riches n’épousent pas les garçons pauvres.”
Elle s’était bien moqué de lui. Quelle garce. Et pourtant il avait été si amoureux d’elle. Fuir, la solution idéale pour l’oublier. Après tout, il avait bien réussi à l’âge de neuf ans, même si on lui avait forcé la main. Il n’avait pas de famille, très peu d’amis, enfin aucun finalement, et une chambre de bonne qu’il pouvait quitter à tout moment. Dès la fin de l’été, Dick s’engagea à l’armée, et fut appeler en Corée du Sud, lorsque celle-ci se vit envahir par la Corée du Nord. Il se retrouve seul sous le commandement du lieutenant Menken pour construire un hôpital. Ils sympathisèrent rapidement. Dick remarqua son nom de famille à consonance juive et l’autre confirma sa religion. Ils avaient cela en commun, entre autres choses. Notamment ces traits semblables, même si Menken avait lui dix ans de plus. Ils pensaient tous les deux que cette guerre était un bourbier et le vrai Don lui répétait souvent: “J’aurais du construire des piscines, pas un hôpital dans cet enfer.”
Un après-midi, Dick creusait un trou sous une chaleur insoutenable. Vêtu d’un marcel maculé de poussière et d’un kaki aux normes de l’armée de Sa Majesté, le casque mal posé sur sa tête, il avait l’impression de creuser sa propre tombe. Un sifflement trancha le ciel sans air, puis une nuée de poussière éclata près de lui. Ils se faisaient attaquer par l’ennemi. Menken accourut et tous deux plongèrent dans le trou qu’il venait de creuser. Dick attrapa un fusil qu’il serra contre lui, pendant que Menken tentait de le rassurer. “Fais gaffe à ton casque. Et ne tire sur rien tant qu’on t’as pas tiré dessus.” Les déflagrations continuèrent et des sacs de sables explosèrent juste au-dessus. “Ils savent pas que c’est un hôpital?” cria Dick à travers les balles et les obus qui s'abattaient autour d’eux. “Ta gueule reste couché.” aboya-t-il en retour. Les tirs continuèrent un petit moment puis s’affaiblirent. Ils étaient partis. Apeuré, essoufflé, Dick ne bougeait pas. Tenant son casque, Menken releva la tête et vérifia que la voix était libre. “C’est fini?” “Je sais pas.” Avec un rire nerveux, il se releva, bientôt suivi par Whitman. “Vous croyez qu’ils reviendront?” Menken coinça une cigarette entre ses lèvres. Il n’avait pas l’air si touché. “J’en sais rien. En tous cas on a pas répliqué.” Il alluma sa dose mortelle de nicotine et Dick, pour ne pas passer pour un tocard, en fit de même. Il allait l’allumer quand Don l’arrêta. “Tu t’es pissé dessus.” remarqua-t-il, sans même se moquer. Dick ne ferma pas son briquet et baissa la tête. Embarrassé il commença à essuyer son pantalon mais lâcha la flamme encore allumée dans une flaque d’essence. “Ah merde, merde.” s’énerva Menken. Il tenta d’écraser la longue traînée de feu, tenta de s’enfuir en sortant du trou mais l’explosion des bidons d’essence à proximité de lui le tua sur le coup, carbonisant au passage son visage.
Toussant, se tenant le bras en écharpe, Dick se réveilla quelques minutes plus tard. Il était tombé et avait perdu connaissance pendant l’explosion. Titubant, il s’approcha de son supérieur et découvrit un corps calciné qui ne ressemblait plus à grand chose. Choqué, mais conscient que c’était là le moyen de s’expier, il retira ses plaques militaires pour les jeter sur les restes de Menken, et arracha celles du Lieutenant pour ses les approprier. Puis plus rien.
Il se réveilla à l’hôpital militaire. Où? Il ne savait même pas, en tous cas, ce n’était pas celui qu’ils étaient en train de construire. Mais ce qui l’étonna le plus, c’est qu’on l’appela Lieutenant Draper. Et qu’on lui remis une médaille dite “distinguinshed service cross” pour avoir fait preuve de bravoure sous le feu des ennemis. On le permit de rentrer chez lui, à condition de ramener aussi le soldat Whitman. Il ne le fit qu’à moitié. Il avait juré ne plus remettre les pieds sur ce caillou de malheur qu’était Guernesey. Dans le bateau qu’il avait amené jusqu’au port, il fit comprendre au pasteur de l’armée qui l’accompagnait que c’était trop difficile. Il comprit. Alors il resta observer de loin la scène, sa belle-mère, affaiblie, les jumeaux d’une quinzaine d’années qui se chamaillaient, habillés dans tous les deux dans un costume trop court, et son beau-père, très peu intéressé par ce qui se passait, mais qui faisait un effort, pour Abigail. Un des enfants tourna la tête vers lui, le pointa du doigt. “Dick!” Apeuré, le nouveau Don s’écarta du bastingage. Le père le somma d’arrêter ses bêtises en le ramenant vers lui, lui désignant le cercueil avec son mégot.
Le bateau s’éloigna. Il revint sur la grande île. Un train le ramena jusqu’à Londres. Ainsi sa nouvelle vie en tant que Donald Francis Menken commença.

It wouldn't make for sanity would it, living with the devil. Lorsqu’il atteint enfin l’âge requis pour postuler dans les colleges du pays, il envoya ses références à plusieurs écoles prestigieuses du pays. La magie de l’administration l’envoya poser ses valises à la frontière écossaise, dans un petit village nommé Berwick-Upon-Tweed. Enfin pas si petit que ça. Il était là depuis un mois à peu près. Son charme agissait déjà et il avait su s’intégrer facilement parmi le corps enseignant, et avait su se faire facilement apprécier des élèves en tentant une approche sympathique, humoristique et décontractée. Tous semblait adhérer à son attitude, le contraste avec les autres professeurs étant saisissant. Et puis il y avait Rebecca Baxter. Parmi tous ses élèves il en fallait une qui le regarde avec dédain, n’appréciait pas ses commentaires et qui pire encore, y répondait. S’il avait été un autre professeur, il l’aurait très vite corrigé à coup de règle en fer sur ses jolis petits doigts. Toujours est-il que Don ne pourra jamais frappé quelqu’un, encore moins une femme, aussi insupportable soit elle, pour le corriger. Il a encore la marque visible du traumatisme qu’il a vécu étant enfant.
Au début, Don est rentré dans son jeu, répondant à ses remarques avec légèreté, ne prenant pas la peine de noter la haine dans ses yeux ou ses soupirs exaspérés. Il n’a jamais compris cette attitude, pourquoi fallait-il qu’elle prenne personnellement son humour lorsqu’il faisait cela avec tout le monde. Son arrogance le dépassait mais s’en fichait clairement.
Pendant un mois, à peu de choses près, l’ambiance était plutôt bon enfant, tout cela lui passait un peu au-dessus de la tête. Jusqu’à ce jour d’octobre. Dès son premier jour, il avait sympathisé avec Olive Darling, la professeur de dactylographie. Tous les deux s’entendaient bien et aller souvent se promener au village, partager des thés et des morceaux de tartes aux poires. Olive était une femme chaleureuse et bienveillante, sa compagnie était des plus charmantes. Il ne pensait réellement pas à en faire sa fiancée, seulement une très bonne amie. Et ce fameux jour d’octobre, aux alentours de midi, Don trouva Olive en pleurs. Il ne dit rien, la pris seulement dans ses bras pour la réconforter. Peu à peu les larmes cessèrent, alors Don se permit de lui adresser un sourire et d’essuyer le reste des ses larmes glissant le long de ses joues. Des pas descendant les escaliers attirèrent son attention. Un peu plus loin, Rebecca lui lança un regard vindicatif, à la limite du jugement, avant de se hâter pour retrouver le réfectoire - elle était certainement en retard pour le déjeuner. Il la regardait passer avant de lever les yeux au ciel, continuant de n’accorder que très peu d’importance à la jeune élève. Il emmena Olive dîner en ville. Elle lui expliqua la raison de ces pleurs: elle était veuve, et ce jour était l’anniversaire de la mort de son mari, d’où sa mélancolie soudaine.
Lorsqu’il rentrèrent après manger, quelque chose semblait différent. Les regards, les chuchotements, tout ça lui paraissait différent. Il avait l’impression d’être montré du doigt. Les cours passèrent avec un arrière-goût des plus étranges. Elle était là, elle n’osait pas croiser son regard. Elle regardait par la fenêtre, elle regardait son livre. Elle semblait plus concentrée que d’habitude. A la fin de la journée, il fut convoqué par le directeur. Sir Lachlan était furieux. Il lui révéla le mystère. Une rumeur avait fait le tour du domaine, en deux heures à peine, jusqu’à remonter jusqu’à ses oreilles. On murmurait qu’Olive ét lui étaient ensemble. Selon le directeur, ce n’était tout bonnement pas acceptable qu’un jeune homme profite de la détresse de cette pauvre veuve Darling. Don lui fit comprendre qu’ils étaient simplement parti manger ensemble et rien d’autre. “Tenez-vous à carreau, Menken.” lui avait ordonné le directeur. Furieux, Don enfourcha sa moto et fit une longue route jusqu’à Newcastle. Il avait tout compris, il n’y avait que Rebecca qui les avait vu. Mais le pire dans tout ça, c’est qu’il n’avait aucun moyen de prouver quoi que ce soit. Et Olive avait l’air assez furieuse après lui qu’il préférait ne rien faire. Laisser passer les ragots et la mauvaise humeur semblait le meilleur choix.
Après cela, l’ambiance changea en cours. Il ne prenait plus les remarques de la jeune fille de la même façon. Excédé, les mots partaient un peu loin et il manquait d’imagination pour la punir autrement que physiquement. Alors il ne fit rien. Absolument rien que surenchérir, encore et toujours. Parfois, cela pouvait faire froid dans le dos des autres élèves. Il faut croire que Rebecca n’était pas trop appréciée des autres parce que personne ne vint s’en plaindre. Au contraire, il recevait même des compliments sur ses cours, les meilleurs selon certaines qui ne devaient certes pas être très objectives.

Shy girl, so humble, with eyes that make me stumble. Il avait depuis longtemps tiré un trait sur le sentiment amoureux. Mais de façon chronique, l’envie lui prenait de le faire étudier à ses élèves, par le biais des poètes du XIXème siècle, tous plus désespérés les uns que les autres. Qui de mieux qu’un homme foutrement désespéré pour faire comprendre le désespoir? C’était sa vision des méandres de l’amour jusqu’à ce qu’il rencontre Tawny, la délicate et discrète bibliothécaire. Il s’était tout d’abord perdu dans cette immense bibliothèque, à la recherche d’Hugo, de Lamartine, ou encore de Musset, en version originale. Avant de se perdre à retrouver quelque chose ici, il se résigna à se renseigner auprès de Terry, le conservateur du lieu. Don n’avait jamais apprécié le vieil homme, qui restait totalement hermétique à l’envoûtement du professeur de français, celui qui lui permettait de se faire apprécier de n’importe qui. Mais le pire, c’est qu’il lui rappelait son père. Il évitait donc, le plus possible, d’avoir à lui adresser la parole. Mais lorsqu’on est foutrement désespéré, on se forcé à affronter ses démons. Finalement, c’est une drôle de frimousse qui l’accueillit derrière le comptoir, quand enfin il se décida à aller se renseigner. Elle semblait si douce et si gentille qu’il en oublia presque la raison de sa visite à la chapelle.
“Je peux vous aider?” s’enquit-elle avec toute la bienveillance du monde. Ses intonations scousers étirèrent le sourire de Don. Manifestement, elle était nouvelle.
“Hum, oui,” réussit-il à répondre, visiblement troublé. “Auriez-vous, par le plus grand des hasards, des poésies de Victor Hugo, ou Lamartine? En version originale bien sûr.”
Elle réfléchit un instant et sortit de son office.
“Oui bien sûr, je crois avoir vu ça quelque part. Suivez-moi,” proposa-t-elle, le regard toujours animé d’un sourire.
Si d’ordinaire, ce pervers de Don lui aurait emboité le pas pour évaluer la demoiselle, cette fois-ci, il choisit de marcher à ses côtés, afin de pouvoir faire la conversation.
“Vous êtes nouvelle, n’est-ce pas?” remarqua-t-il, en jetant des coups d’oeil vers son visage.
“Oui, je viens d’arriver.”
“Mais vous ne résidez pas à Lachlan, c’est ça?”
“Oui, je loue un appartement en ville.”
Elle bifurqua dans une allée.
“Vous êtes professeur de français?”
“Oui, en effet, je le suis.”
Ses pas la conduisirent jusqu’en plein milieu de la dite allée. Là, elle posa son doigt sur sa bouche, l’air sérieux, et se mit à chercher du regard l’ouvrage que Don demandait.
“Là...” Elle se saisit du livre par sa tranche avant de le lui tendre. Mais elle le lâcha avant que Don puisse s’en emparer, et le livre glissa sur le carrelage poussiéreux de la bibliothèque.
“Oh mon dieu je suis désolée,” s’affola-t-elle avant de s’agenouiller pour récupérer le livre.
Par automatisme, Don se baissa à son tour.
“Ce n’est pas grave.”
Il ramassa une carte qui s’était échappé du volume, avant de relever son regard vers celui de la jeune bibliothécaire. Il remarqua les deux couleurs de ses iris, les joues rosies par l’embarras, les lèvres claires et pleines. Il ne put s’empêcher de se sentir touché par tant de douceur.
“Je suis si maladroite,” remuèrent alors ses lèvres.
“Ne vous inquiétez pas,” la rassura-t-il à nouveau.
Leurs doigts s’entremêlèrent alors qu’il s’emparait du livre.
“Je m’appelle Don, au fait.”
Plongée dans son regard, elle mit un moment avant de répondre.
“Ravie de vous connaître, je suis Tawny, la bibliothécaire.”
“Enchanté, Tawny, la bibliothécaire,” s’empressa-t-il de répondre, en français. “C’est un prénom si rare, il vous va très bien,” ajouta-t-il en posant les yeux sur la blondeur de ses cheveux.
ils se relevèrent ensemble, et Tawny, troublée par les compliments de Don, détourna le regard. Ce dernier feuilleta le livre pour y découvrir un recueil de poésie en langue française. Dans la table des matières, il détecta les titres des poésies qu’il recherchait.
“Parfait. Vous en avez déjà lu?”
“Oui, un peu. Mais pas en français.”
“Vous ne parlez pas français?”
“Un petit peu, seulement,” répondit-elle, parlant à son tour dans la langue de Molière.
“Vous aimez? Les poèmes je veux dire.”
Il désigna le livre du doigt.
“Oui, un peu. Mais parmi les oeuvres romantiques, ce n’est pas ce que je préfère.”
“Je vois ce que vous voulez dire.”
Il était impressionné par sa répartie et sa connaissance apparente du sujet.
“Ces gars-là sont chouettes, mais je pense que Scott Fitzgerald est le meilleur, quand il s’agit de parler de sentiments. Ceux-là ont toujours l’air désespéré.”
Le regard de Tawny s’anima, son sourire s’élargit.
“Fitzgerald est mon auteur préféré.”
Elle retint visiblement un petit gloussement de satisfaction devant cette découverte. Le rictus de Don apparut, et il inclina la tête, impressionné devant cette information.
“Vous avez de bons goûts, Tawny. Je dois admettre qu’il est également mon préféré.”
Il regarda sa montre, il était grand temps d’y aller.
“Il faut que je retourne en cours. Je peux vous offrir une tasse de thé en fin de journée?”
“J’en serais ravie.”
“Très bien. Au revoir, sweetheart,” dit-il, avant de faire courir le bout de ses doigts sous le menton de la jeune femme et de disparaître.