(ANECDOTES)

Mais maman, il revient quand papa ? Mrs Strokesberry regarda les yeux clairs de son enfant. Comment une petite fille si adorable était-elle capable de répéter continuellement une phrase qui heurtait tant ? Papa ne reviendrait plus, bien sûr. Et tout la ville semblait être au courant. Papa était parti. Les rumeurs allaient bon train, les voisins ne sachant trop quel parti prendre. Il y avait ceux qui ne regardaient Emma Strokesberry que franchement de travers : qu'avait-elle bien pu faire pour ne pas réussir à garder son mari ? Comment une femme aussi jolie qu'elle avait bien pu faire fuir un mari respectable ? Et puis il y avait ceux, pas beaucoup plus glorieux, qui ne cessaient de lui adresser des regards de pitié et des corbeilles de fruit : Pauvre Emma, qu'allait-elle devenir ? Pauvre femme, dont la vie se voyait bouleversée par une décision malsaine de son mari. Évidemment, aucun voisin ne se risquait à être vu en compagnie d'Emma Strokesberry. Et du haut de ses 8 ans, Penny devinait naturellement que quelque chose n'allait pas. Cela faisait d'ailleurs deux semaines qu'elle n'était plus invitée aux goûters de ses camarades de classe et bien qu'elle ne percevait pas le rapport, c'était bien la preuve que quelque chose ne tournait pas rond. Alors quoi ? Tu sais, je crois que papa a besoin de voyager, pour l'instant. Mais peut-être que nous aussi. On pourrait aller vivre à Dublin Penny qu'en dis tu ? Alors ça c'était la meilleure ! Non seulement elle perdait son papa mais en plus on voulait la faire déménager loin de ses amis et de son école. Le monde ne fonctionnait plus et elle ne se gêna pas pour le faire remarquer, la petite ayant du caractère, et une voix pour le soutenir. Mais les cris de Penny et les regards outrés des voisins ne firent que conforter Emma dans sa décision, et le lendemain matin, leurs valises étaient faites. Il y a des histoires tristes qu'on doit porter toute sa vie, et il y a des histoires tristes qui ouvrent des lendemains chantants. Dublin fut le souffle nouveau dont les Strokesberry avaient besoin, et tout est bien qui commence bien.


Elle avait 16 ans, il en avait 18. Rien n'explique les premières histoires d'amour, la première passion. Penelope s'enfuyait le soir de sa maison pour le rejoindre en cachette, troublée d'effrayer sa mère qu'elle aimait tant, mais prête à tout pour celui qu'elle chérissait. Ce fut quatre mois d'une idylle toute en innocence et en plans sur la comète. Jusqu'à ce qu'il se fasse un soir renverser dans la rue. Inconscient, porté en quatrième vitesse (mais beaucoup trop lentement aux yeux de Pénélope) jusqu'à l'hôpital le plus proche, il mit du temps à se rétablir. Il passa exactement quatre semaines allongé sur son lit d'hôpital. Quatre semaines pendant lequel Penelope allait quotidiennement le voir. Et quand il dormait et qu'il lui était interdit de le déranger, elle se baladait dans les couloirs et proposait son aide à qui en avait besoin. Lors de la dernière semaine, elle passait toutes ses journées à l'hôpital, et n'avait presque plus de temps pour lui. Non, Penny venait dès 7 heures du matin aider les infirmières, préparer les gants d'eau froide, arranger les lits, laver les plaies. Et elle ne repartait qu'à 19h, après avoir rapidement vu celui qui guérissait finalement très vite. Il finit par sortir de l'hôpital, et Penelope s'en réjouit, tout en lui expliquant qu'elle aurait désormais moins de temps parce qu'elle était fermement décidée à se trouver une place à l'hôpital. Il lui en voulut et critiqua violemment son choix. Tu ne me fais pas confiance pour ramener assez d'argent, c'est ça ? Ou alors quoi ? Tu as besoin de rencontrer d'autres gens, tu ne te plais plus avec moi ? Penelope était incapable de savoir si son séjour à l'hôpital l'avait rendu jaloux et idiot, oui bien si c'était son regard à elle qui avait changé. Le fait est qu'il la déçut profondément, et leur histoire s'évanouit. Mais peu lui importait, puisqu'elle avait trouvé sa voie.