⊱ Il attrape la bouteille posée à quelques centimètres seulement d'eux, prenant une lippée de Whisky, sentant avec satisfaction l'alcool brûlant glisser dans sa gorge. Il la repose, esquissant un fin sourire à Nic. Une discussion sur la France. Comme toujours. Et ça le fascine toujours autant d'entendre vanter les merveilles de ce pays qui l'attire tant, et où il rêve de mettre les pieds un jour. L'accent, la culture, l'Histoire.. tout le fascine. Ô combien qu'il rêve de visiter la belle Paris. « Tu m'y emmèneras, hein, un jour ? » demande-t-il avec regard fasciné, tirant sur sa cigarette. Mais ce soir, c'est d'autre chose qu'il a envie de parler avec Nicolas pourtant. Il a bien remarqué comme le jeune homme regarde un autre mec hmm... Clarence il lui semble qu'il s'appelle. Mais d'un côté, il a un peu de la réaction de Nico. Lui n'a jamais vraiment mal réagi à ça, mais sait-on jamais. Il se penche légèrement vers lui, trouvant alors un moyen d'amener le sujet. « Dis, c'est qui ce type que tu fixes sans cesse ? » En douceur. Il n'a pas pu s'empêcher pourtant d'avoir un regard taquin et plein de malice. Il n'est pas dupe. Oh, non. Il porte de nouveau sa cigarette à sa bouche, poussant délicatement le paquet vers son pote si jamais il voulait se (re)servir ou quoi. Il aime particulièrement ces soirées. Pas de règles, pas de lois, pas de... Enfin, si. Mais disons juste qu'ils sont déjà en train de les enfreindre et que cette adrénaline a quelque chose d'obsessionnel pour Daniel.

⊱ Mais Daniel aime briser les règles, il aime les contourner, les façonner à sa façon, quitte à ré-écrire un règlement pour lui. Autant ré-écrire le monde en pleine nuit. Daniel n'a que faire de tout ça. Pendant un bref instant, il parvient à voir que sa question a troublé Nicolas, mais il reste impassible, observant les moindres réactions de son ami. Ils n'ont jamais vraiment parlé de ça. Parce que Danny n'a jamais vraiment remarqué ça, sauf depuis les derniers jours. Et il faut dire que ça l'intéresse, que ça l'intrigue, et que ça titille grandement sa curiosité. « Ce n'est pas un type, d'abord, l’appellation en elle-même est irrespectueuse quand tu parles d'un dieu. » Un dieu. Le Cunningham hausse un sourcil mais attend qu'il poursuive, reprenant une lampée du délicieux élixir qui brouille peu à peu ses propres limites. « Ne sois donc pas impie, pas ici. L'autre Lachlan t'en voudrais de ne pas respecter la religion, au moins autant que si tu salissais la tradition » Il fronce carrément les sourcils à présent, posant son regard sombre sur son ami. Qu'est-ce qu'il raconte ? Déraille-t-il ? Non, et Danniel le sait. Il médite ses paroles, mais l'alcool emporte rapidement toute tentative de réflexion. Il hausse les épaules. « J'm'en fous de la tradition, et encore plus de la religion. Moi, j'sais comment tu le regardes et ce que ça veut dire, c'est tout. » Il ment. Un peu. Non, il ne le sait pas vraiment, en réalité. Mais il le devine. Et il aimerait savoir. Cherchant le regard de Nicolas, il esquisse un fin sourire, mi-angélique mi-aguicheur, comme pour le pousser à se confier. Gavroche sait bien que Danniel est homosexuel – à croire que tout Lachlan le sait à présent – mais l'inverse n'est pas valide, et curieusement, Emrys serait curieux de savoir clairement l'orientation de son pote de beuverie. Car même s'il le passionne par ses récits sur la belle France, il ne peut pas nier qu'il est curieux. Intrusif, peut-être un peu. Mais curieux surtout. Passant une main dans ses boucles blondes, il n'a toujours pas lâché Nicolas du regard, comme s'il cherchait à lire en lui.

Les mots sont des extensions par défaut de l'âme humaine. Extension des pensées et des émotions. Mais les plus perdus sont souvent ceux qui s'expriment le mieux. Car ils se savent perdus, et feraient tout pour garder ce simple sentiment pour eux, bien caché au creux de leurs âmes tout aussi creuses. Les cyniques rallient aussi, de par leurs traits d'humour et leur façon simple d'éviter les question les plus évidentes. Celles qui fâchent le plus. Et de la façon la plus simple qui soient, ces gens, parfois stupides, parfois hideux, qui savent manier les mots se forgent une aura, charisme invisible à moins qu'on ne se laisse porter par leurs mots, leurs yeux baissés, et parfois l'alcool. C'est ainsi que Gavroche créa Nicolas, et fait de son mieux pour le garder toujours ainsi. C'est ainsi qu'il est, simplement, aux yeux de tout à chacun. Une ombre, qui, la bouche ouverte, ne peut s'empêcher de se faire remarquer, presque maladroitement, mais d'une maladresse qui vise et touche exactement là ou il faut. « Si tu le sais alors, pourquoi me parler de lui ainsi? Tu as déjà ta réponse... » Silence. Silence plein d'un tout qui veut tout dire.
Un sourire en coin, et le dragon en sommeil relâche la fumée de sa cigarette en un rond parfait, reprenant une lampée d'alcool, laissant le sang du Christ brûler sa gorge impie. Et les mots coulent, dans le sens inverse, comme s'il ne pouvait pas les arrêter. Pourtant, malgré le flot, ils sont chacun mesurés. Incessants sons, parfois muets de sens propre, pourtant ils sont là pour une raison qui n'est ni divagation alcoolisée ni divulgation du trop. « Clarence Evan Landsbury, mon ange, mon dieu, mon contraire et ma moitié » Un sourire distrait, presque fier. Une autre taffe. Ses yeux se ferment. « Nous partageons un lit depuis notre neuvième année d'existence, et il est la seule chose en ce bas monde en quoi je crois encore. Parce qu'il a trop d’espérance pour lui seul et que je n'en ai pas assez, très probablement » Et il termine la bouteille, sourire aux lèvres.

⊱ La soirée prend décidément une tournure plutôt inhabituelle. Alors que les deux camarades ont plutôt l'habitude de parler de futiles voyages imaginaires et d'envolées sauvages... ils ont abordé un sujet on ne peut plus délicat et inopiné. C'est le moins que l'on puisse dire. « Si tu le sais alors, pourquoi me parler de lui ainsi? Tu as déjà ta réponse... » Danny reste imperturbable, sourd à l'accusation déguisée, se contentant alors d'esquisser l'ombre d'un sourire amusé. Désinvolte, il prend une nouvelle gorgée de whisky. C'est enivrant et ses pensées flottent de plus en plus. Il va peiner à conserver le sérieux imposé par la discussion... Il ne répond pas, histoire de faire un peu mariner le Gavroche. Et puis.. il n'a rien à répondre. « Clarence Evan Landsbury, mon ange, mon dieu, mon contraire et ma moitié » La patience a donc été payée ; il a eu raison puisque Nic s'est jeté à l'eau. Dans sa tête, Daniel grave le nom. Clarence Landsbury. À voir comme il en parle, Nicolas semble bien être... hmm ouais, il ne trouve pas vraiment de mot. « Nous partageons un lit depuis notre neuvième année d'existence, et il est la seule chose en ce bas monde en quoi je crois encore. Parce qu'il a trop d’espérance pour lui seul et que je n'en ai pas assez, très probablement »

Cette fois, Daniel a haussé un sourcil. Ils partagent donc même un lit ? Hum... Il a remarqué que son pote a finit la bouteille et il écrase un sourire sur ses lèvres en y portant sa clope, tirant dessus comme si cela allait l'aider à mieux réfléchir. « Hmm. Vous partagez carrément le même lit, c'est assez troublant tout ça, mon beau.. » Il lui fait un clin d'oeil entendu. Daniel voulait savoir de quel bord il était ? Daniel a peut-être sa réponse. Et étrangement, cela le pousse à se rapprocher légèrement de Nicolas, son regard corbeau ancré dans le sien. « T'aurais pu m'en laisser un peu. » fait-il avec désinvolture en désignant la bouteille, un sourire taquin aux lèvres. Il porte de nouveau sa cigarette, recrachant la fumée sur Gavroche avec un certain élan de provocation. Puis alors, il tourne la tête, amusé. Il lui suffit de rien, à cet éternel enfant, pour s'amuser. C'est dingue. « Je ne savais pas que c'était si... si intense ? En tout cas, tu caches bien ton jeu. » Et ça, Danny ne peut que lui envier, d'une certaine manière. Alors que lui n'a jamais compris comment cacher ça et après s'être fait frapper dessus pendant des années, il trouve admirable de garder tout ça secret. Admirable et lâche à la fois, certes. Mais bon, il aurait volontiers refusé les coups qu'il s'est pris si cela avait été possible. Ne sachant pas vraiment quoi dire, sentant que de toute façon, ses mots ne sont pas assez forts pour transcrire ce qu'apparemment Nicolas cherche à lui faire comprendre, il se tait, jetant un regard accusateur à la bouteille, comme la blâmant d'être vide. Il finit sa cigarette dans la foulée, soupirant doucement. Il pose son regard sombre sur son pote, même si ses pensées, elles, sont allées vadrouiller bien loin d'ici. Ou peut-être juste jusqu'à la chambre voisine.

C'est une facon bien étrange qu'ont les adolescents de toujours donner l'impression de croire tout savoir quand au fond il sont probablement sur notre terre parmi les êtres les plus perdus qu'on puisse trouver. C'est unique cette sensation qu'on a en leur parlant d'avoir face à soi à la fois une vieille âme et l'image même du progrès. Il faut croire que c'est là la simplicité qu'on appelle grandir et qui n'est au fond qu'une complication directe d'un autre mot. Vivre. Mais pour vivre il faut être, et on ne pourrait être seul. C'est encore plus vrai pour certains êtres, êtres comme Gavroche qui sont simplement nés pour être l'envers, l'ombre d'un autre. Peu de gens les remarquent ces gens, toujours là pourtant, et leur nom ne s'écrit pas sans être accolé à celui d'une moitié. Dans le cas présent moitié connue, idéalisée. Et à cet instant précis, la vieille âme brûlant dans le corps trop frêle, corps presque encore d'enfant qu'est celui de Nicolas s'envole pour ne laisser qu'au milieu de la fumée et des restes d'alcool en lui, un rien. Un néant, une coquille vide. Ce qu'il est pour grande majorité des gens qui se bornent à l'ignorer bien qu'il soit là, toujours. Une ombre marchant toujours dans le pas de son amant, Orestes passioné et Pylades enivré. C'est là tout ce qu'était Gavroche à Clarence. C'est là tout ce qui s'expliquait sans mot pour eux, simplement à les voir. C'est là ce que personne n'aurait pu prendre au mot, ou ce qu'il ne saurait dire à Daniel.
Il mords sa lèvre, trop perdu pour ne serait-ce qu'y penser. D'une part, il comprends les sous entendus de l'autre adolescent. De l'autre, il ne sait quoi y répondre. Il ne peut nier qu'ils partagent un lit, il l'a déjà avoué. Ce n'est pas vraiment un aveu, au fond, juste une vérité générale sans arrière pensée. Ils font ceci depuis leurs neuf ans, et la chose lui est simplement devenue naturelle. Il ferme les yeux. Plus d'alcool ou se noyer. Il ne s'excuse pas d'ailleurs, d'avoir fini. Son soupir est presque une plainte, à ce moment là. Car il aurait bien besoin d'une autre lampée de Whiskey. Et finalement, serein, il se décide à sourire en murmurant. « C'est une tornade, ce que je ressens pour lui, et je ne m'en suis jamais caché. Il est tant ma muse que mon protecteur, et il n'y a simplement pas de mot pour expliquer la façon dont il me complète. » Il se rends à peine compte que ce qu'il dit peut prendre un tout autre sens. Il s'en fiche. Il sait ce qu'il pense. Il sait qui il aime, et qui il est. En apparence.